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JÉSUS, CONTESTATAIRE RADICAL

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Jésus chassant les marchands du temple
Il y a deux mille ans, prêchant l'amour de Dieu et des hommes, un pauvre Galiléen inventait le christianisme. Cette religion universelle a d'abord dû s'imposer, pas seulement en s'opposant au pouvoir romain, mais en s'interrogeant sur qui est Dieu et ce qu'il attend des hommes.

C'était un petit pauvre. Galiléen de surcroît, ce qui ne constituait pas une référence dans la Palestine de cette époque : la région était riche, mais ses habitants, jugés plutôt lourdauds et trop métissés ( «Galilée», à l'origine, signifiait "terre des goyim", des non-juifs). On ne sait donc pratiquement rien des conditions de la naissance d'un bébé qui n'intéressait à peu près personne. Même pas sa date exacte.

Si l'on s'en tient aux deux seuls Evangiles qui évoquent cette naissance, ceux de Luc et de Matthieu, Jésus est né avant la mort d'Hérode (qui, fils d'une Arabe, n'était pas vraiment juif, mais régnait sur le pays avec l'accord des occupants romains). Or la mort de celui-ci est bien datée :en l'an IV avant l'ère chrétienne. La plupart des spécialistes situent donc la naissance de Jésus en 5 ou 6 avant l'ère chrétienne. L'an 2000 n'est donc pas l'an 2000.

Si l'incertitude règne sur la date de la naissance de Jésus, celle de sa mort est beaucoup plus précise. Selon l'Evangile de Jean, confirmé sur ce point par des traditions juives (Talmud de Babylone), Jésus est mort« le jour de la préparation de la Pâque», fête qui coïncidait avec le shabbat. C'était donc un vendredi. A l'époque de Pilate, gouverneur romain de la Palestine, deux vendredis se sont situés à la veille de la Pâque :en l'an XXX et en l'an 33 de l'ère chrétienne. Jésus serait donc mort Je 3 avril 33, à l'approche de la quarantaine, ou le 7 avril 30, à 33 ans environ. La plupart des historiens optent pour cette dernière date. [...]

UNE EXISTENCE RECONNUE

Pour les historiens, en effet, l'existence de Jésus ne fait aucun doute. Certes, on dispose surtout, à son propos, de sources chrétiennes: les quatre Evangiles, les lettTes de ses compagnons, appelés ensuite « apôtres >>, les Evangiles dits « apocryphes >> par l'Eglise (ce qui signifiait, à l'origine, non pas « faux >>, mais<< cachés»). Certes, aussi, les quatre Evangiles ne constituent pas de véritables récits historiques, au sens où nous l'entendons aujourd'hui. Ce sont des instruments de prédication. [...]

Les sources non chrétiennes sont beaucoup plus rares. On trouve deux références à Jésus dans l'oeuvre du juif Flavius Josèphe, qui écrivit l'histoire de son peuple vers la fin du 1er siècle. La plus intéressante est celle qui fait allusion à la lapidation, en 62, de «Jacques, frère de Jésus >>.Elle montre, en effet, que, pour l'historien juif, Jésus était déjà assez connu à son époque pour qu'aucune précision supplémentaire ne soit nécessaire. [...]

Reste à savoir comment ce petit pauvre, mort de la manière la plus infamante, sur une croix, a laissé une telle trace, a changé l'histoire du monde, comment le groupe restreint de ses compagnons - on dirait aujourd'hui une « petite secte juive », et il en existait beaucoup alors- a pu être à l'origine d'une religion qui, éclatée en plusieurs Eglises, réunit aujourd'hui près de 2 milliards d'hommes, plus ou moins convaincus des croyances et des règles qu'elles enseignent.

Une première explication est évidente : à en croire les textes dont nous disposons, Jésus est un contestataire radical. Pas tellement du pouvoir romain, naturellement porté à s'inquiéter de tout ce qui bouge dans ce peuple juif pas très docile. La contestation de Jésus porte sur un point bien plus essentiel: il s'agit de savoir qui est Dieu et ce qu'il attend des hommes.

Dans le monde antique, Dieu, ou les dieux, est, sont, des êtres invisibles, tout-puissants, dont il faut se concilier la bienveillance, la protection, en les suppliant, en les priant, en leur offrant des sacrifices. Or le début de l'Evangile de Jean - le texte dont nous disposons date de l'an 100 environ- raconte une scène capitale, assez bien connue, même de nos jours : on y voit Jésus chassant brutalement les marchands du Temple de Jérusalem. Le seul épisode de tous les Evangiles où il apparaît comme violent.

Cet Evangile est composé avec soin; il veut dire, dès les premiers versets, l'essentiel. Or on a pris l'habitude de considérer cette histoire comme accessoire, comme si Jésus s'en était pris à des commerçants semblables à ceux qui entourent, dans le monde entier, les lieux de pèlerinage en vendant des grigris, des statuettes lumineuses, des médailles « miraculeuses » ou des images dites saintes.

En réalité, le sens de cette scène est bien plus profond. Au Temple, en effet, le peuple juif était invité à se réconcilier régulièrement avec Dieu, à solliciter sa protection en le priant et en lui offrant des sacrifices. Les marchands du Temple changeaient l'argent impur de l'extérieur en argent pur, celui du Temple, avec lequel les pèlerins achetaient des animaux-colombe, agneau ou taureau, selon leurs moyens - pour les sacrifices. Les marchands appartenaient à la caste des grands prêtres ou en étaient les agents; celle-ci en tirait des bénéfices considérables. Ce sera l'une des raisons de la mort de Jésus: il frappait cette caste là  ça fait mal, à la caisse.

UNE IMAGE DE DIEU NEUVE

Mais considérons ce qu'il dit, selon le texte signé Jean:« Ne faites pas de la maison de mon père une maison de commerce. » Le commerce est légitimement fondé sur l'échange :donnant-donnant. Ce que veut dire Jésus, c'est que les relations de l'homme avec Dieu ne peuvent s'établir sur ce mode, parce que Dieu est, si l'on peut dire, du «donnant tout court »,qu'il est don, qu'il est l'amour total. Il ajoutera, bien sûr, que les hommes feraient bien de l'imiter et il les adjurera même d'aimer leurs ennemis, ce qui est sa parole la plus forte, ce que personne n'avait dit avant lui. De même que l'image de Dieu qu'il propose ainsi est radicalement neuve.

Tellement neuve qu'elle aura du mal à s'imposer, que l'image ancienne persistera, surgira même dans le christianisme, qui prêchera longtemps- qui prêche encore-un Dieu vengeur, passant le plus clair de son temps (s'il existe un temps de Dieu) à surveiller les actes des hommes, attendant d'être supplié ou d'obtenir d'eux des sacrifices pour bien vouloir s'intéresser à leurs difficultés.

Reste que cette contestation radicale, par Jésus, de l'image ancienne, ses paroles de feu et d'amour aussi ont suffisamment frappé quelques-uns de ses contemporains pour qu' ils ne se séparent pas, désenchantés, désabusés, après sa mort. Il est vrai qu'ils disent l'avoir vu ressuscité-un point sur lequel les historiens, en dépit de quelques indices, ne peuvent évidemment se prononcer. [...]

Par Jacques Duquesne dans "L'Express Thema", Paris, n. 13, janvier/février 2017, pp. 24-27. Adapté et illustré pour être posté par Leopoldo Costa


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